Les observatoires photographiques du paysage, la construction des paysages

Très longtemps le paysage français fut une carte postale.
Les évolutions rapides et souvent désordonnées des trente glorieuses ont profondément modifié nos paysages ancestraux. La nature, lieu de la croissance économique, devient un écrin à préserver.
Les scientifiques s’emparent alors du concept paysage, la géographie physique, la géographie humaine, la philosophie, l’écologie… chaque discipline interroge le paysage avec ses propres outils.
De la carte postale, le paysage devient une construction sociale qui résulte des interactions des facteurs matériels et humains. Augustin Berque, va profondément imprimer la vision moderne et sensible du paysage avec une approche orientaliste proche de la phénoménologie.

La photographie par sa nature documentaire comme par son approche sensible du monde est un outil idéal pour le représenter. Depuis la mission héliographique de 1851, en passant par le travail de Charles Malville sur les travaux haussmanniens à Paris, ou les archives de la planète d’Albert Khan et Jean Brunhes, la photographie à permit de garder la trace des choses, de documenter le monde, mais les travaux photographiques des services de restauration des terrains de montagnes (RTM) vont être les premiers à créer un fonds photographique composé de prises de vue répétées de manière régulière. Ces reconduites de photographies vont permettre une profondeur temporelle à même de mettre en évidence les évolutions. En plus de documenter le terrain et de monter les dégradations des crues et des éboulements, elles montreront les évolutions forestières et les travaux entrepris pour prouver l’efficacité des actions des ingénieurs. Associées aux renseignements (coordonnées, date, légendes…) que les agents relèvent, on peut y voir l’un des ancêtres de nos observatoires photographiques du paysage.
La commande de la DATAR entre 1984 et 1989 a profondément renouveler les représentations du territoire et de la culture paysagère à travers le prisme du champ artistique de la photographie. L’approche vernaculaire du paysage, qu’il soit rural ou urbain est devenue légitime.

Dans le même temps, les politiques publiques ont retranscrit ces évolutions. De ce processus législatif (loi « paysage » de 1993, Convention européenne du paysage de Florence en 2000 ratifiée par la France en 2006, loi pour la reconquête de la biodiversité de la nature et des paysages de 2016 …), il apparaît que tout fait paysage. Celui-ci peut être remarquable ou ordinaire, urbain ou rural, et le droit français impose aux autorités compétentes (de plus en plus décentralisées) de fixer des objectifs de qualité paysagère en prenant en compte les dynamiques paysagères et les aspirations des populations qui contribuent à définir les paysages.

C’est dans cette ligne que sont créé, en 1991, les observatoires photographiques du paysage suivant la méthode définie par La Mission de l’Observatoire photographique du Paysage du Ministère de l’Aménagement et de l’Environnement en 1989 : « …constituer un fonds de séries photographiques qui permette d’analyser les mécanismes et les facteurs de transformation des espaces ainsi que les rôles des différents acteurs qui en sont la cause afin d’orienter favorablement l’évolution des paysages. »

En s’appuyant sur la méthode ministérielle, un observatoire se construit de la rencontre entre un territoire porté par un maitre d’ouvrage, le regard des acteurs locaux et des habitants qui vivent leurs paysages et le regard d’un photographe. Un observatoire, vision sensible du paysage à hauteur d’homme, est une collaboration, s’y crée une culture paysagère à la croisée d’une tradition picturale, d’une culture scientifique et d’une vision photographique contemporaine.
C’est ainsi que j’aborde ces objets en évolution que sont les OPP. Que ce soit dans les Pyrénées, en Guyane ou dans le Limousin, il s’agit de mettre en évidence les enjeux et les dynamiques qui modèlent le paysage, mais aussi de développer une culture des paysages du quotidien en proposant une interprétation de la réalité personnelle, une perception, nourrie des mes expériences générales et locales.

Au delà de la réalisation de ces corpus, il s’avère essentiel de prévoir leur médiation et leur médiatisation. La mise en place de telles actions est l’un de nos chevaux de bataille. La culture des paysages doit irriguer les populations, l’observatoire photographique du paysage peut en être un moteur afin que cet objet transversal qu’est le paysage soit un vecteur de l’action participative des usagers du territoire.

 

Vernet les bainsVernet les bains

OPP du PNR des Pyrénées catalanes – Point 067
Vernet les bains – 2010/2019

Fontrabiouse

Création du lac de Matemale à la fin des années 50.

La reconduction de cartes postales anciennes soulève un certain nombre de questions, techniques, méthodologiques, et de choix. Celles-ci peuvent s’avérer complexes, surtout lorsque les cartes postales sont issues de prises de vue très anciennes.